Young Gods

Lors du passage au festival Pully for Noise, Laurent Argi a eu le privilège de rencontrer le chanteur des Young Gods Franz Treichler, qui nous parle d’une prestation un peu particulière, TV Sky, Kurt Weil et de l’avenir du groupe.


1. Le festival vous a demandé de réaliser une prestation un peu particulière… Jouer l’ album TV Sky dans son intégrlité et dans l’ ordre !… Que peux-tu nous dire à ce sujet et sur les changements qui pourraient intervenir 15 ans après?

On a fait un peu de spéléologie pour retrouver les sons… La volonté n’ est pas de remettre les morceaux au goût du jour. Effectivement, 15 ans après TV Sky, la technologie a plus de patate, plus de pêche. Donc effectivement, au niveau purement du spectre sonore, pour les contemporains je ne sais pas si c’ est vraiment décelable. En tout cas, nous n’ avons pas changé les arrangements, l’ idée est de le jouer tel qu’ il est. Je t’ avouerais qu’ on n’ a jamais joué cet album dans son intégralité (comme ça à la lettre), parce qu’ à l’ époque où on tournait pour TV Sky, on incluait des morceaux d’ avant et des morceaux d’ après. Donc de le faire comme ça de A à Z, ça ne nous est jamais arrivé, c’ est plutôt unique, mais on n’ a pas remagné des choses, refait des trucs… Mais je dirais qu’ il y a une erreur… Ca n’ est pas une erreur, mais une écartade, disons ça comme ça. Ce qui sonne bien sur disque au niveau des enchaînements de morceaux n’ est pas forcément le même feeling au niveau des grooves sur le live… Mais c’ est vraiment la seule chose. C’ est vraiment très très à la lettre parce que c’ est ce que voulait le festival, c’ était pour ça qu’ ils voulaient qu’ on le face. Quand on leur a demandé, ils ont dit non non, on veut que vous le jouiez de A à Z comme sur l’ album, point à la ligne. A moment donné, on a essayé de faire des autres plans, de se dire OK, là pourquoi pas faire ça autrement, mais après on s’ est dit non, parce que voilà c’ est un peu ça l’ idée, donc respectons aussi l’ idée et on verra comment ça tient la rampe. Parce que, effectivement il y a des morceaux qu’ on a continué de jouer depuis TV Sky, « Skinflowers » on n’ a jamais arrêté, « Gasoline Man » on a recommencé à le jouer à partir de 2000, il y a des morceaux qu’ on n’ a jamais joué avec Bernard, qui est quand même dans le groupe depuis dix ans, donc (tu vois) forcément ce sera un petit peu différent, ça ne peut pas être la même chose qu’ à l’ époque. Mais Bernard s’ est quand même calqué un petit peu sur ce qu’ il entendait parce qu’ il avait adoré cet album aussi, donc il ne voulait pas… il voulait respecter le style d’ Uze tu vois. Mais ça va être très proche de l’ album, à part que c’ est du live, donc c’ est plus organique si tu veux. Ce que je dois te dire, c’ est que l’ album à l’ époque, c’ était très programmé, même les batteries sont programmées, Uze qui était notre ancien batteur avant Bernard, n’ était pas un fan de studio, il détestait le studio. Au bout de 3, 4 ou 5 heures de studio, il fatiguait, il en avait marre, ça le faisait chier… Lui c’ était le live qui l’ intéressait, la scène. Donc il y a beaucoup qui est programmé sur TV Sky, donc je trouve que les versions live sont beaucoup mieux que la version studio, mais c’ est un avis personnel tu vois… Des fois les gens aiment bien ce côté rigoureux de la programmation, donc après c’ est une histoire de goût. Mais effectivement, c’ est peut – être le disque qui s’ est le plus vendu chez les Gods, TV Sky. Le fait que ce soit qu’ en Anglais…

2. En fait, c’ est quand même une sorte de faveur que vous faites au festival, ça n’ est pas tellement habituel qu’ on vous demande comme ça de jouer tout un album, en plus dans l’ ordre… Ca vous a plu cette proposition ?

Ouais, ouais ! C’ est une année où on nous a demandé ça pour TV Sky et aussi pour l’ album de Kurt Weil. On a trouvé ça quand même assez marrant que, quinze après pour TV Sky et presque vingt ans après pour le Kurt Weil, la même année on nous demande ça… C’ était l’ occasion pour nous de redécouvrir certains morceaux et on s’ est dit pourquoi pas, parce qu’ en fait on connait bien l’ équipe du For Noise et puis c’ est une proposition super. Effectivement, nous ne l’ aurions jamais fait par nous – même, car il y a des moments où tu vas de l’ avant et voilà quoi… Et puis personnellement, ça c’ est vraiment à titre personnel, je trouve que sur TV Sky il y a des morceaux, notamment le long morceau, qui annonce la suite, mais j’ avais l’ impression, sur le moment, quand on a fini en studio, que c’ était un morceau pas fini et on essayait d’ aller quelque part tout en y arrivant pas vraiment encore, parce que c’ est une histoire d’ expérience je pense. Mais on a fait, et c’ est ça que j’ adore, un défriché de la suite, on a défriché pendant que l’ album blanc Only Heaven… Bon je dirais qu’ Only Heaven s’ est autant vendu que TV Sky. Mais TV Sky, c’ était la première fois où on dépassait les 100’000 exemplaires ce qui était pour nous énorme à l’ époque. Et je pense que ce qu’ on a développé avec TV Sky a énormément inluencé la suite…

3. C’ est intéressant, car j ‘ ai plutôt eu le sentiment qu’ après TV Sky, vous n’ avez pas continué dans la même direction… Au lieu de réutiliser ce qui avait bien marché avec TV Sky…

Je pense que c’ était assez instinctif, ça n’ était pas très calculé… Dès que tu te répètes quelque part, tu dis mais bon… Il y a une espèce de volonté de te faire plaisir ou de te faire peur à la rigueur. Si tu prends « Moon Revolutions » sur « only Heaven » qui est aussi un long morceau de vingt minutes, je pense que « Moon Revolutions » est la réponse à « Summer Eyes » qu’ on va jouer ce soir, parce qu’ avec « Summer Eyes » on voulait aller vers « Moon Revolutions », mais on ne savait pas encore comment y aller. Donc on voulait développer un truc, mais je pense qu’ il est plus abouti sur l’ album d’ après. Bon c’ est des goûts personnels de nouveau, mais peut – être que ce que les gens aiment bien sur TV Sky c’ est justement ce truc… Ce que j’ adore dans TV Sky c’ est cette ligne claire, c’ est très… c’ est CLAIR, c’ est posé, c’ est le riff, c’ est le machin, crac ! Et ça je trouve que c’ est super bien ! Et alors après, une fois que tu as fait un truc, on pensait être arrivé, en tout cas pour toute la première phase, parce qu’ à l’ époque c’ était encore du vynil, c’ était le début du CD… Disons les six premiers morceaux, on s’ est dit bon ça c’ est là… Mais je t’ avouerais que c’ est TV Sky qui a fait qu’ on a été signer aux States pour une grosse boîte à l’ époque, Interscope. Ils avaient flashé sur TV Sky et quand on leur a livré les bandes de « Only Heaven », ils nous ont donné comme réponse : c’ est vachement bien mais c’ est très européen, alors que pour nous c’ était la suite logique de TV Sky, ça allait de soi. La réaction d’ Interscope a été beaucoup trop extrême par rapport à la différence qu’ il y avait entre les deux albums. Mais j’ ai compris plus tard, ça n’ est pas la même culture. Et effectivement, TV Sky c’ était un gros hommage aux seventies, mais avec une technologie des années 90. Tu y trouves les Doors, Hendrix, Pink Floyd, plein de choses qui ont été pour nous des influences majeures dans notre adolescence. Je pense que pour les gens de la maison de disques aussi et avec TV Sky on a voulu montrer ça, montrer qu’ on voulait être là, montrer qu’ on était fans de tous ces groupes.

4. Justement à propos de vos influences, comment se fait – il que vous ayez fait tout un album en reprenant la musique de Kurt Weil ?

C’ était aussi une idée qui venait de l’ extérieur, ca ne venait pas de nous. Festival de La Bâtie à l’ époque, 1989 si je me trompe pas, conjointement avec Frisson, ils faisaient trois jours d’ hommage à Kurt Weil et ils nous ont demandé de faire ça.

5. Mais vous avez quand même fait un album…

On a fait les deux concerts à La Bâtie et à Frisson ou inversement et après quand on tournait pour « l’ Eau Rouge », on incluait les morceaux de Kurt Weil et à la fin de cette tournée, quand même une année plus tard, on a enregistré l’ album. Parce qu’ on s’ est dit tout d’ un coup, c’ est dommage ça va se perdre, on adore le boulot qu’ on a fait, il faut qu’ on en face quelque chose.

6. J’ ai lu plusieurs fois que vous avez influencé des artistes majeurs…

De ce que j’ ai pu lire, il y aurait Bowie, Nine Inch Nails, Faith No More, Ministry, même U2… Eno et The Edge ont dit que quand ils faisaient « Achtung Baby », ils écoutaient beaucoup les Young Gods en studio. C’ est parti un petit peu dans l’ interview comme ça et puis ca fait quand même un peu boule de neige. Maintenant, dans quelle mesure on les a influencé, je ne sais pas… Mais je vois ça comme ça, il y a des gens qu’ on a influencé, mais beaucoup de gens nous ont influencé également. Je pense que les artistes font souvent des trucs en ne sachant pas exactement comment ils les font et ne seraient pas forcément capables même de les refaire. Parfois, tu essaies de refaire ton truc et ça devient un exercice de style, ça n’ aura plus la même âme, ça n’ aura plus le même impact parce que les gens sont quand même pas cons, ils resentent aussi les choses… Donc du coup, ça ne veut plus rien dire. C’ est un peu comme des graines que tu plantes, il y en a qui poussent, d’ autres qui ne poussent pas et tu ne sais pas où ça pousse. A part ça, tant mieux si on a influencé des groupes, moi j’ en suis ravi. Mais cela va aussi dans l’ autre sens, moi j’ ai aussi écouté Nine Inch Nails, j’ ai trouvé qu’ il y avait une monstre patate… Je me rappelle quand on tournait pour L’ Eau Rouge aux States, ils venaient de sortir leur premier album. On écoutait ça et on trouvait que c’ était vachement bien. On savait pas qu’ on les avait influencé… Maintenant c’ est comme un retour de manivelle, car c’ est plus tard qu’ on a appris…

7. En fait ce qu’ on ne réalise pas automatiquement, c’ est que les contemporains s’ influencent forcément mutuellement…

Tu vois par exemple dans le groupe, nous sommes les trois très différents par rapport à ca. Alain lui il écoute très peu de choses, parce qu’ il n’ a pas envie de se faire influencer. Moi j’ adore voir ce que font les contemporains parce que je trouve que c’ est intéressant dans un contexte comme le notre de voir comment les gens réagissent artistiquement.

8. Il y a eu plusieurs changements dans le groupe… Quelle a été son évolution en ce qui concerne l’ écriture et la collaboration entre les musiciens ?

Au début, c’ était beaucoup moi qui écrivais, mais c’ était aussi une volonté de tout le monde. Le premier partenaire que j’ ai eu ne voulait pas écrire, il ne voulait pas s’ impliquer, il voulait juste faire que la chose se passe, som ambition était d’ arriver à rendre la chose possible sur scène. Nous avons d’ abord commencé à deux et puis après on s’ est dit qu’ avec uniquement une boîte a rythmes ça n’ allait pas vraiment et que ce serait mieux d’ avoir un batteur. Et le premier batteur (Franck Bagnoud) a amené quelque chose de beaucoup plus puissant et organique que la boîte à rythmes. Malheureusement avec Bagnoud ça n’ a pas duré longtemps. Et quand Use (Hiestand) est venu dans le groupe, il ne voulait rien savoir de la composition non plus. Ca m’ arrangeait beaucoup, parce que j’ avais besoin d’ arriver à concrétiser des trucs, de faire mon propre tableau, voir mes limites et c’ est là que le producteur est rentré en ligne de compte, Muziman, qui a fait aussi des arrangements. Et puis à partir de TV Sky, quand Alain (Monod) est venu, ça m’ a influencé. Au début Alain ne composait pas, il était encore un peu timide parce qu’ il rejoignait un groupe qui avait vendu beaucoup d’ albums et tout, mais à partir de ce moment là il y a un côté un peu plus Hendrix qui est arrivé, le compositeur étant influencé par les musiciens qui l’ entourent. Et puis à partir de l’ album d’ après, ça a commencé petit à petit à être beaucoup plus tout le monde qui amène des idées.

9. Quels sont vos projets pour l’ avenir ?

On prépare un album acoustique. On a fait des sessions acoustiques en fin de l’ année passée. On a fini d’ enregistrer en studio. Donc ça n’ est pas des nouveaux morceaux, c’ est des morceaux d’ un peu tous les albums des Gods. Si tout va bien, ça va peut – être sortir fin janvier. Sinon, on a un projet avec Dälek, un groupe de hip hop New-Yorkais. Ca va sortir en DVD, live aux Eurockéennes 2007 (Belfort). Et puis on a également commencé un peu à composer la suite.

Franz Treichler, nous vous remercions pour votre temps.

Nom : Treichler
Prénom : Franz
Nationalité : Suisse
Ville : Genève
Profession : Musicien
Web : www.YoungGods.com