Histoire Vivante – Jérôme Nussbaum

Jérôme Nussbaum RTS

L’affaire Edward Snowden, le conflit en Ukraine, Jean Ziegler et la Libye, le féminisme arabe ou Le Corbusier, pour en nommer que quelques-uns, Jérôme Nussbaum connait ces dossiers du bout de ses doigts. Depuis plus de dix ans maintenant, il collabore avec le producteur Jean Leclerc, en tant que réalisateur de l’émission « Histoire Vivante ». Pendant des jours entiers, il plonge à 100% dans des sujets passionnants et des fois assez lourds. Sa spécialité ? Créer un amalgame de textes et musiques, diriger des comédiens, optimiser du contenu, ajouter des sons et bruitages, pour en sortir des pièces radiophoniques captivantes.

Parmi plusieurs autres projets, il est aussi l’un des principaux réalisateurs de l’émission « Vacarme » pour laquelle il assure la cohésion du contenu, coach les journalistes avant qu’ils partent sur le terrain, et se charge de mettre en forme les reportages que ces derniers rapportent de leurs rencontres avec des gens de la Suisse romande pour parler de questions collectives, politiques, intimes ou planétaires. Ils créent ainsi 5 émissions par semaine. Ses missions sont très variées: de la prise de son sur le terrain (et sur l’eau) lors d’un reportage sur les derniers phares habités en mer, ou se rendre au Brésil pour montrer qu’il y a autre chose que le football sur place.

Enfin, en vrai père de famille moderne, Jérôme Nussbaum jongle entre travail et vie familiale. Ainsi, il lui arrive de travailler de chez lui entre table de mixage et jouets de son dernier né. Pour se vider la tête, il part dans les hauteurs pour vivre le calme et régénérer son esprit créatif.

 

1. Que faites-vous actuellement dans la vie ?
Je travaille actuellement à 80% en tant que réalisateur à la RTS, et je redécouvre les joies de la paternité avec mon troisième enfant, Marcellin. Parallèlement, je me découvre depuis quelques temps une passion très forte, voire magnétique ou mystique pour la montagne, que j’essaie de découvrir et de parcourir chaque fois que j’en ai la possibilité (ce qui est rare, compte tenu de mes engagements professionnels et familiaux !)

 

2. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous passionne dans votre travail à la radio , vos débuts, votre situation actuelle, un projet qui vous a marqué, une rencontre exceptionnelle ?
Musicien et passionné de technique, j’avais espéré, en étant engagé il y a plus de 20 ans comme opérateur (métier de base de technicien du son à la radio), pouvoir devenir un jour preneur de son musical. Or, les productions « maison » de la RSR de l’époque ayant tendance à se faire plus rares, j’ai eu la chance d’être pris sous les ailes d’une productrice d’Espace 2 comme apprenti-réalisateur, et j’ai commencé à « touiller » le fond et la forme d’une émission de radio quotidienne.

Parallèlement à cela, je suis également devenu preneur de son pour le Radio-Théâtre. Ces 2 tournants dans ma carrière au sein de la radio sont constitutifs de ce qui me passionne encore et toujours dans mon métier d’aujourd’hui : aborder les sujets les plus variés, et raconter des histoires. J’ai le souvenir très présent de 2 soirées de radio que nous avons avec 2 autres collègues (homme et femme), écrites, scénarisées et réalisées en direct. L’une avait été conçue à l’occasion du 21 décembre 2012 (date à laquelle la fin du monde avait été annoncée par certains) : nous étions parti du postulat de départ que la fin du monde aurait bel et bien lieu à minuit ce soir-là, et nous avions envisagé durant les 4 heures précédent l’heure fatidique une multitude d’alternatives à l’après-fin-du-monde (l’après-pétrole ; l’après-économie mondiale ; l’adaptation à des changements climatiques radicaux ; etc.) en compagnie de chercheurs et penseurs venus d’horizons les plus variés. L’émission était en public, nous avions invité des artistes à se produire en live, avions fait appel à des comédiens, et nous avions conçu la projection de séquences vidéo.

La 2ème soirée que nous avions mis sur pied, s’étendait sur 5 heures d’émission en direct, cette fois-ci autour de l’Amour. À nouveau, nous avions scénarisé cette soirée, et fait intervenir et impliqué des spécialistes dans notre propre « délire », et fait appel à une troupe d’improvisation (pour des improvisations en direct).

Outre la réussite et le succès de ces 2 soirées-concept, ce fut l’occasion de mener un travail d’élaboration collectif à 3, absolument détaché de toute contingence hiérarchique, un peu comme les groupes de scénaristes pour élaborer une série TV. De plus, nous avons bénéficié d’une liberté et d’une confiance hors du commun, alors que les 2 émissions étaient diffusées sur La Première chaîne de la Radio Romande. Personnellement, ces 2 soirées ont concrétisé ce qui me passionne le plus dans mon métier : traiter le fond d’un sujet, l’aborder sous différents angles, laisser l’auditeur se faire une opinion, le tout en racontant une histoire (avec tous les éléments dramaturgiques à disposition).

Une rencontre exceptionnelle ? En fait elles le sont quasiment au quotidien : soit au travers des propos des personnes qui ont été enregistrées, soit lors de rencontres en direct. La dernière en date : celle avec Jean-Jacques Delannoy, géomorphologue, à l’occasion de l’ouverture de la réplique de la grotte Chauvet en Ardèche. Un homme très humble, un chercheur exceptionnel, d’une gentillesse et d’une générosité dans le partage de ses découvertes et de son écoute à nos questions.

 

3. Quel est votre endroit et/ou activité préféré en Suisse romande ?
Le lac Léman et les Alpes. Cela peut sembler bateau, mais c’est une source d’émerveillement continue. Je pratique le kayak de randonnée, ainsi que la randonnée pédestre et la montagne. Je suis reconnaissant d’habiter une contrée aussi riche, diversifiée en paysage et aussi accessible : j’habite à ¾ d’heure maximum en voiture des 5 lacs principaux de Suisse Romande, et à peu près la même chose pour des vallons, vallées ou sommets, me garantissant un dépaysement absolu.

Culturellement, il y a un endroit que j’affectionne particulièrement, tant pour l’atmosphère qui y règne, que pour sa programmation éclectique : il s’agit de L’Arsenic à Lausanne.

 

4. Quelle musique vous inspire le plus et pourquoi ?
Il m’est difficile de répondre à cette question, tant je suis ouvert et captivé par de multiples formes artistiques. En jazz (étant donné que c’est la musique que j’ai le plus étudiée et jouée), je reste absolument scotché devant le pianiste Brad Mehldau. Particulièrement en solo. J’ai le souvenir d’un concert qu’il a donné à Vevey en 2014, ce n’était plus du jazz, c’était une sorte de voyage dans la stratosphère, un fil rouge qui se déroule, se défait et se régénère, totalement libéré de contrainte de style ou de tonalité.

Sinon, il y a la danse contemporaine et 2 chorégraphes en particulier, dont le travail me touche énormément : Anne Teresa de Keersmaeker et Hofesh Shechter. Il y a chez eux deux (même si leur approche est diamétralement opposée) une recherche et un travail autour de la liberté, dans le mouvement, mais aussi dans l’expression même de la danse.

 

Jérôme Nussbaum Histoire Vivante

 

5. Parlons « Nouveaux médias » : Comment utilisez-vous les nouvelles technologies et comment influencent-t-elles votre quotidien ?
Il est évident qu’internet est une référence continue dans mon travail. J’y puise des ressources en supports audio en tant que tels, ou tirés de vidéo, que j’utilise dans mon travail de réalisateur. Des bases de données comme Wikipédia ou Discogs sont des références lorsque je dois approfondir des recherches sur un sujet ou trouver un fil rouge musical.

Il y a un site absolument génial : aporee.org. Il recense tous les enregistrements d’ambiances sonores faits par des amateurs à travers le monde, avec une recherche thématique, par mot-clé, ou via le support Googlemaps. Je suis à la recherche d’un son d’ambiance de rue au Népal, je pointe mon curseur sur la zone géographique correspondante, et s’il existe un enregistrement, il suffit de cliquer sur le point correspondant à la géolocalisation de ce dernier.

Je ne suis pas un grand fana de Facebook. J’y ai un compte, mais je ne l’alimente que très peu. À la fois par manque de temps (cet outil est redoutablement chronophage), et aussi en réaction à cette tendance à balancer tout et n’importe quoi en ligne. Je suis très réservé par rapport au déballage, voire l’impudeur dont beaucoup d’utilisateurs font preuve à travers cet outil. J’utilise par contre passablement Whatsapp, remplaçant super efficace de la messagerie traditionnelle. J’y ai des groupes pour les sorties en montagne, le trio que nous formons pour les projets radio, pour les échanges familiaux, etc.

Ayant travaillé sur plusieurs séries d’émissions de radio concernant les nouvelles technologies, et leur usage quant à la surveillance, je suis partisan d’une très grande vigilance à leur égard. En effet, nous oublions que toutes nos données, nos gestes, nos entrées effectuées sur tout appareil connecté, sont enregistrées, analysées ou du moins stockées. Cela constitue une révolution dans l’histoire de l’humanité : nous n’avons plus la maîtrise de ce que nous communiquons.

6. Quelle est votre plus grande réussite et/ou regret jusqu’à présent ?
Ma plus grande réussite : continuer à garder de la curiosité et de l’émotion devant le monde, les choses et les gens.

Mon plus grand regret : ne pas être suffisamment sorti de mon pays pour partir à la découverte d’autres cultures, d’autres contrées. Je l’ai fait, mais avant tout par procuration au travers des reportages que je réalise à la radio. J’ai envie de m’y frotter pour de vrai.

 

7. Quels sont vos projets d’avenir pour les prochains 5 ans ?
Reprendre une pratique artistique régulière. Gravir plusieurs 4000 en Suisse.

Prendre au minimum 1 mois sabbatique pour vivre seul une expérience (soit un périple, soit une immersion dans une autre ville, un autre pays, une autre culture)

Participer à un spectacle mettant en scène la radio, le making-off d’une émission en direct.

 

Jérôme Nussbaum, nous vous remercions pour votre temps.

 

Nom : Nussbaum
Prénom : Jérôme
Nationalité : Suisse
Ville : Savigny
Profession : réalisateur radio
Web: www.RTS.ch

 

Jérôme Nussbaum Studio RTS Vacarme